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Si j'avais découvert le cannabis avant, j'aurais économisé dix opérations

  • Carola est la directrice du projet Dos Emociones et de l'Observatoire espagnol du Cannabis médicinal, deux organisations pionnières en Espagne qui luttent pour la réglementation du cannabis médicinal et l'amélioration de la qualité des soins de santé.
  • Ces deux projets ambitieux, qui sont aujourd'hui le fer de lance d'un mouvement renouvelé pour la réglementation du cannabis thérapeutique, cachent l'histoire personnelle de Carola. Une expérience de lutte et de dépassement de soi qui, dans le plus pur style « effet papillon », fut l'élément déclencheur de ces deux projets.
  • Carola a su transformer un accident malheureux et toute la souffrance que cela a impliqué en deux initiatives qui contribuent aujourd'hui activement à améliorer la vie de nombreux patients. Nous avons voulu l'interroger pour savoir comment tout a commencé, quand et comment s'est produit le battement d'ailes du papillon qui provoquerait un tremblement de terre un an après.
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Enfant, Carola aimait patiner. C'est d'ailleurs en pratiquant ce sport qu'elle s'est cassée l'os du coccyx lors d'une chute alors qu'elle n'avait que onze ans. Depuis, et jusqu'à sa majorité, les médecins ont essayé de solutionner ce problème avec toute sorte de traitements sans obtenir de bon résultat : la douleur était très forte et l'empêchait de s'asseoir et de vivre normalement au quotidien. À ses dix-huit ans, Carola, a subi sa première opération chirurgicale au cours de laquelle on lui a enlevé le coccyx. Durant cette intervention, les nerfs de la moelle épinière de Carola ont été endommagés, générant ainsi une douleur chronique neuropathique quotidienne de 8 sur 10.

Comment peut-on vivre dans la douleur constante ?

Eh bien, mal, très mal. Pour apaiser cette douleur, les médecins m'ont prescrit des médicaments très forts, dont la morphine. J'étais sur le point de perdre la vie. Lorsqu'ils m'ont opérée pour la première fois, j'avais 18 ans. Maintenant, j'en ai 37 et je suis passée 12 fois par le bloc opératoire.

J'en suis venue à demander de l'aide à mes parents pour mourir car la morphine utilisée de façon chronique à des doses aussi élevées, outre le fait de créer une forte addiction, crée un autre type de problèmes, elle t'amène, par exemple, à la dépression. Je ne me rappelle presque rien des années durant lesquelles j'ai pris de la morphine. Un jour, j'ai commencé à perdre la mobilité et à ne plus pouvoir vivre ma vie normalement. Plus je me reposais et plus je prenais des médicaments, plus je perdais de la masse musculaire, comme un poisson qui se mord la queue.

Comment est-ce possible que l'on vous ait prescrit de façon chronique un traitement à base de morphine ?

C'est quelque chose qui arrive tous les jours et qui est totalement dénonçable, des substances aussi fortes que la morphine sont prescrites pour soulager la douleur chronique. Le patient reçoit une quantité énorme d'opiacés, pas du tout compatible avec un traitement à long terme et encore moins avec la pratique des activités quotidiennes.

Dans des cas comme le mien, où la douleur est pour toute la vie, il faut chercher des traitements qui soient compatibles. La morphine est très bien comme moyen de secours, pour un post-opératoire ou comme traitement palliatif, mais, moi, à 20 ans, vous ne pouvez pas me rendre accro à la morphine. Ce n'est pas une solution.

Lorsqu'ils m'ont opérée pour la première fois, j'avais 18 ans. Maintenant, j'en ai 37 et je suis passée 12 fois par le bloc opératoire.

Comment avez-vous réussi à sortir de cette spirale ?

Ce sont les médecins en question qui se sont rendus compte qu'ils avaient abusé avec les doses et qui m'ont envoyée suivre un traitement de désintoxication. J'ai dû aller trois mois à la plage, avec mes parents et faire l'expérience du syndrome du sevrage toute seule, avec l'indication du psychiatre. Ce fut un véritable enfer.

Que s'est-il passé ensuite ?

J'ai cherché des alternatives et c'est alors que j'ai découvert le cannabis et ma vie a changé radicalement. Lorsque j'ai réussi à me retirer cette énorme quantité de médicament avec l'aide de psychiatres, j'ai eu besoin de quelque chose pour me soulager et pour m'aider à manger. Lorsque tu as trop mal, tu ne peux même plus t'alimenter.

Le cannabis me convient et est très différent de ce que j'avais essayé jusqu'à maintenant. Il m'aide à supporter le quotidien : il m'ouvre l'appétit, améliore mon humeur, m'aide à dormir, voire à soulager un peu la douleur. Dès que j'ai commencé mon traitement cannabique, j'ai réussi à réduire les médicaments de 19 comprimés à 2 par jour.

Cela a-t-il été facile d'accéder au cannabis médicinal ?

Eh bien, cela fut tout un processus. J'ai commencé par chercher du cannabis sur le marché noir, mais l'expérience fut très mauvaise car je n'avais aucune garantie que ce que l'on me vendait était ce dont j'avais besoin. Dans les réseaux de distribution illicites, on ne sait jamais ce que l'on achète, si le cannabis est de type indica, sativa, quels taux de cannabinoïdes il contient et, en plus, il est souvent contaminé par des champignons, etc.

L'étape suivante a consisté à entrer dans un club cannabique, et là-bas les choses se sont améliorées, parce que je savais que je pouvais avoir certaines garanties par rapport au produit.

Pensez-vous qu'il y a beaucoup de désinformation concernant le cannabis ? Pourquoi ?

Oui, énormément. Il y a beaucoup d'informations qui circulent sur Internet et qui n'ont pas de base scientifique, et très peu de canaux d'information fiables créés par des experts. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai décidé de créer Dos Emociones.

Nous nous trouvons face à un grand paradoxe et même les médecins ne connaissent pas les propriétés médicinales du cannabis, parce qu'il n'est pas étudié à l'université. Ce que je n'arrive pas à comprendre c'est pourquoi le cursus de médecine n'enseigne pas ce qu'est le système endocannabinoïde que chacun d'entre nous possède. C'est très important pour assurer le bon fonctionnement de notre organisme, hormis la consommation du cannabis. Le problème vient d'au-dessus, avec le manque d'information au niveau du personnel de santé.

Le CBD est un grand allié à tous les niveaux, c'est un palliatif silencieux.

C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai fondé Dos Emociones. Je suis jeune, j'ai 37 ans et je pense que je mérite, tout comme d'autres patients, d'avoir la meilleure qualité de vie possible étant donné les circonstances. Dans mon cas, le cannabis est un grand allié pour y parvenir.

Connaissez-vous les nouvelles variétés riches en CBD ?

Oui, je pense que le fait que des variétés riches en CBD soient lancées sur le marché est une grande nouvelle. À moi, en tant que patiente, elles me conviennent très bien. Dans les clubs, par exemple, les variétés ont normalement beaucoup de THC et peu de CBD, il est donc important qu'il y ait ce type de graines sur le marché pour que les patients puissent suivre la voie de l'autoproduction. Le CBD est un grand allié à tous les niveaux, c'est un palliatif silencieux qui n'a pas d'effet psychoactif mais qui fonctionne très bien comme anxiolytique, anti-inflammatoire, anticancéreux, etc.

Pensez-vous que le fait que le cannabis ne soit pas réglementé est dangereux pour les patients ? Celui qui se trouve sur le marché noir peut-il contenir des traces de produits chimiques nuisibles pour la santé ?

Pour l'instant, sur le marché noir, le consommateur n'a aucune garantie sur le fait que le produit qu'il achète soit de qualité et sûr. Nous ne savons pas si le cannabis auquel nous avons accès contient des produits chimiques nuisibles pour la santé, des pesticides ou des champignons. Il est très important que le produit de cannabis médicinal soit le plus sûr et traçable possible.

Pensez-vous que le système de santé s'améliorerait qualitativement avec la réglementation du cannabis ?

Oui, et nous en avons la preuve. Dès que l'on constate une amélioration du patient, cela requiert logiquement moins d'attention médicale et moins de médicaments, et cela améliore son humeur. Cela permet d'économiser une bonne partie des frais médicaux, aussi bien en termes de médicaments que d'interventions. Si j'avais découvert le cannabis avant, j'aurais économisé dix opérations du dos, avec le coût économique que cela implique.

Si j'avais découvert le cannabis avant, j'aurais économisé dix opérations du dos.

Il y a une différence abyssale entre l'Espagne et les autres pays. Je me suis rendue au Colorado et j'ai vu la réalité de là-bas. Un grand éventail de produits de cannabis médicinal est proposé : patchs cutanés, barres chocolatées où sont indiqués les pourcentages de leur contenu de THC et de CBD, charges de vaporisation…Il y a un marché de cannabis médicinal qui est très bon parce qu'il est réglementé. En Espagne, nous sommes à l'âge de pierre sur ce point.

C'est paradoxal que l'Espagne, un pays qui possède l'un des plus importants taux de consommation d'Europe, manque à ce point de réglementation en matière de cannabis...

Oui, finalement celui qui est lésé là-dedans c'est le consommateur. Parce qu'il n'a pas un accès sécurisé. Moi, je pense que la solution passe par la volonté politique de résoudre cette situation. Il faut s'asseoir pour dialoguer et créer un modèle de réglementation. Et il est très important également que les professionnels de la médecine reçoivent une bonne formation sur ce point. Si les médecins ne savent pas ce qu'est le cannabis, comment on l'utilise, ne savent pas ce qu'est le système endocannabinoïde, les contre-indications, nous ne pourrons faire que peu de traitement.

28/07/2016

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