culture chanvre histoire italie

Apprendre de nos ancêtres : la culture de chanvre dans l’histoire de l’Italie

  • Au fil du temps, le chanvre (Cannabis Sativa), qui durant des siècles avait représenté une culture prospère pour l’économie italienne, connu la crise. À la fin des années cinquante, l’entrée de matériaux synthétiques dérivés du pétrole et les mesures restrictives introduites par les États occidentaux, orientées vers la criminalisation du cannabis, furent les causes ayant le plus influencé la diminution de la culture de chanvre. Une grande confusion fut générée entre cannabis indica et sativa, qui représentent les deux sous-espèces appartenant à la même plante : de dures sanctions commencèrent à être appliquées aux personnes qui cultivaient une quelconque variété de cannabis. Par conséquent, tout ce que l’homme puisait du cannabis fut très vite remplacé par des matériaux plus modernes et moins criminalisés.
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Les cultures diminuèrent jusqu'à disparaître en 1975, lorsque le cannabis fut définitivement criminalisé, interdisant tous les usages liés à ce dernier. Mais pourquoi le chanvre ? Car il a longtemps été l'une des principales ressources économiques, autour duquel existait un monde du travail, des mythes et des traditions. Comment a-t-il fait pour disparaître, non seulement de l'économie mondiale, mais également des souvenirs des gens ? Les voiles et les cordages des bateaux qui naviguaient dans nos mers étaient faits de chanvre, ainsi que le fourrage, les sièges utilisés pour les animaux qui nous aidaient dans les travaux agricoles et aussi les ressources basiques de notre pharmacopée. Cependant, les souvenirs se sont évanouis, jusqu'à presque disparaître. Mais, après tant d'années d'absence, dans les champs en Italie, on constate une prise de conscience de la part des personnes en ce qui concerne le cannabis, notamment après les problèmes générés par le prohibitionnisme et par la pollution du pétrole. En tenant compte du fait que la culture de chanvre est un phénomène qui a affecté toute la péninsule italienne du Nord jusqu'au Sud, il est très important de comprendre le passé glorieux que cette plante a eu sur le territoire national, avec l'espoir qu'à l'avenir, l'Italie redevienne un pays d'excellence pour le chanvre, tel qu'elle le fut dans le passé.

Le chanvre dans l'Italie préhistorique

Récemment, de nombreuses personnes ont évoqué la découverte de pipes préhistoriques avec des restes de cannabis dans la région nordique de Canavese, au Piémont, redéfinissant ainsi l'histoire du chanvre italien. Même si la première chose qui vient en tête est l'image d'un grand homme préhistorique, vêtu d'un manteau de peau et « défoncé », la présence du chanvre en Italie fut en réalité déterminée par la rencontre entre différentes populations qui, en créant des mélanges, des interactions et des fusions, introduisirent et propagèrent sa culture. Étant donné qu'il s'agit d'une plante d'origine asiatique, le chanvre se répandit en Italie à travers les relations d'échange entre les populations italiennes préromaines et celle des Balkans, qui étaient déjà, depuis des siècles, des experts en agriculture. À travers ses « Histoires », Hérodote nous raconte que les populations de la mer Noire, les Scythes et les Étrusques, tissaient leurs habits avec le chanvre et jetaient les graines dans le feu, inhalant leurs vapeurs pour se procurer du plaisir. Hérodote parle également des grandes similitudes entre les Thraces et les Étrusques qui furent la première civilisation de la péninsule, et de nombreuses études relatives à ce sujet confirment le lien fort existant entre ces deux peuples, unis par des connaissances techniques et par des croyances rituelles communes.

À partir du VIIème siècle av. J.-C., dans la péninsule des Apennins, la présence étrusque commença à se faire sentir, allant jusqu'aux vallées du nord qui étaient liées au fleuve Pô, à la recherche de contacts avec d'autres populations qui vivaient loin du grand fleuve. C'était une population spécialisée dans l'agriculture qui, durant ses déplacements vers la riche et fertile vallée du Pô, laissa une marque dans tout le territoire de l'Émilie avec ses techniques de culture innovantes. Le chanvre joua un rôle très important. Les restes de pollen de chanvre, retrouvés dans les excavations archéologiques aux abords de la ville de Bologne, confirment qu'il y avait un usage intense de chanvre sur le territoire de l'Émilie.

L'idée d'alterner les champs de blé et les champs d'herbe dans la rotation des cultures était d'eux, une technique très en vogue dans les champs de la péninsule jusqu'à il y a encore quelques décennies. Le chanvre se répandit le long de l'Étrurie et commença à être principalement cultivé pour sa fibre, à partir de laquelle était obtenue une toile très forte qui était utilisée dans divers secteurs : agricole, militaire, naval. La rencontre-choc entre les Étrusques et les Romaines ne pouvait pas mettre le chanvre de côté. En prenant comme exemple les fructueuses connaissances agricoles des Étrusques récemment conquis, les Romains stimulèrent la culture sur l'ensemble du territoire.

Le monde romain

La très ancienne production de chanvre et l'artisanat des cordes sont des éléments fondamentaux dans l'histoire de Rome. Les cannabetum, à savoir, les terrains cultivés avec du chanvre, étaient éparpillés à travers toute la péninsule. Comme nous le raconte Pline, l'historien romain le plus illustre, les variétés les plus appréciées pour l'extraction de la fibre se trouvaient à Rosea (actuelle Roscie à Rieti) et à Milet, en Calabre.

Des trouvailles archéologiques de sa culture se situent près de Mycènes, un port romain de Naples détruit par les sarrasins au IXème siècle. Il a été constaté que les réfugiés échappèrent à la destruction et emmenèrent avec eux les techniques d'élaboration du chanvre : certaines excavations archéologiques du temps des Romains évoquent un territoire périphérique agricole centré sur la culture de chanvre, dans la zone qui porte actuellement le nom de Fratta, près de Naples.

Lors d'une récente rencontre sur la présence des Romains dans la zone cisalpine, des dalles gravées, datant du IIIème siècle apr. J.-C., ont été dévoilées au public et attestent également de la présence de la culture de chanvre sur ces territoires. Cette information est importante, non seulement car c'est une preuve certaine, une constance épigraphique qui est parvenue jusqu'à notre époque sur la culture de cette plante, mais aussi, car elle démontre également que dans la zone « agricole de Padoue », où se trouve aujourd'hui Bovolenta, le chanvre était cultivé, entre les IIème et IIIème siècles apr. J.-C., grâce à des caractéristiques géographiques favorables. En effet, il s'agissait d'un territoire plat, humide, mais non marécageux grâce aux mesures d'assainissement, et particulièrement fertile avec la présence de dépôts alluviaux. Du nord au sud de l'Italie, les bases d'un monde rural lié à la culture de cannabis, dont les traditions ont presque été transmises jusqu'à nos jours, commencèrent à se développer.

Le chanvre dans la médecine romaine

Dans le monde romain, le chanvre était énormément utilisé pour la construction de cordages, de nattes et de filets de pêche ; de plus, les graines et les autres parties de la plante étaient utilisées pour la préparation de médicaments qui étaient administrés aux êtres humains et aux animaux.

De fait, dans la médecine romaine, le cannabis était très connu. Suivant les enseignements d'Hippocrate, le médecin grec considéré comme étant le père de la médecine, les médecins romains utilisaient les remèdes naturels dans le traitement des maladies.

Ils basaient leur science sur les enseignements d'Hippocrate, qui fut le premier à attribuer aux différentes maladies, des causes naturelles et non religieuses. Avant Hippocrate, la médecine n'existait pas et les maladies étaient expliquées à travers des mythes et des légendes, en pensant qu'elles provenaient directement des Dieux. Le Maître, qui défiait ceux qui considéraient les maladies comme étant un châtiment divin, pensait au contraire que toutes les maladies avaient des causes naturelles et qu'il était possible de leur trouver un traitement dans la nature.

Le médecin le plus illustre et le plus connu dans l'Empire romain était Galien, « le médecin des gladiateurs » ; ses œuvres influencèrent la médecine jusqu'au début du XVIIIème siècle. Galien récupéra le concept hippocratique de Natura Medicatrix, le médecin est « Ministre de la Nature ».

Dans le système de Galien, rien n'est laissé au hasard et tout a une fin bien déterminée ; la nature permet d'équilibrer les organes affectés par des pathologies, par l'usage direct d'éléments dérivés de la nature.

Le chanvre, ainsi que de nombreuses autres plantes, était largement utilisé par Galien : la teinture galénique de chanvre fut, durant des siècles, l'une des préparations les plus utilisées comme analgésique et anesthésique dans diverses régions du monde. De ce fait, Galien recommandait le cannabis pour le traitement de différentes maladies: douleur de l'oreille, œdème, jaunisse, contre les flatulences et la douleur en général. De plus, il proposait son utilisation pour la préparation de desserts, afin que les banquets soient « plus agréables et joyeux ».

Galien posa les bases pour une médecine qui parvient jusqu'au début du monde contemporain. Mais un autre grand médecin de la science médicale romaine, Discoride, était satisfait des fonctionnalités thérapeutiques du cannabis. Il rédigea le premier herbier de médecine naturelle de l'histoire. Son traité, De Natura Medica, était une collection de plus de 600 types de plantes et d'autres éléments naturels : il contenait une description complète des ressources d'origine animale, végétale et minérale.

Parmi les pantes proposés se trouvait le chanvre, qu'il conseillait contre les douleurs aux oreilles et la jaunisse, mais également afin d'augmenter les contractions liées à l'accouchement et réduire les douleurs que ces dernières provoquaient. Donner la vie à l'époque romaine était difficile et douloureux : avant l'accouchement, les femmes étaient badigeonnées d'huile et des massages leur étaient prodigués à l'aide de gazes imbibées d'huile chaude et de teinture de chanvre, aussi bien pour faciliter la naissance que pour leur permettre « de se relaxer » un peu après l'effort. L'œuvre de Discoride est considérée comme étant infaillible et devint un manuel de référence pour la médecine occidentale. La civilisation romaine utilisa et apprécia les usages du chanvre : l'édit de Dioclétien, qui fixa les prix des matières premières, nous offre une preuve claire de l'usage de la plante.

Même si son prix était très bas par rapport à des matières similaires comme le lin, la culture de chanvre était bien développée dans les champs romains. Mais l'Empire romain, après plusieurs siècles de splendeur, connut le déclin laissant place à une période de transformations importantes : changements démographiques, religieux et économiques. L'an 476 apr. J.-C. marqua la fin de l'Empire et le début du Moyen-Âge italien. Les grandes villes furent envahies par les barbares dévastateurs. Les champs romains fleurissants furent pillés et ensuite abandonnés. L'Italie n'était plus un royaume, ni un empire, mais un territoire où échangèrent, durant des siècles, de nouvelles puissances.

Mais au-delà du fait d'être un territoire barbarisé, l'Italie devint un royaume de barbares romanisés. La culture romaine ne fut jamais totalement abandonnée. La médecine, qui jusqu'alors avait eu une suprématie gréco-romaine, commença à se répandre, à être étudiée et traduite en premier lieu par les Byzantins et plus tard par les Arabes. Et les techniques agricoles et artisanales continuèrent également à être appliquées par les peuples qui conquirent le « Bel Paese ».

Le rôle du chanvre au sein des républiques maritimes

Pour se défendre des invasions barbares qui dévastèrent le territoire italien après la chute de l'Empire romain, certaines localités de la côte, protégées des dangers grâce à des barrières naturelles comme des lagons et des montagnes, réussirent à s'organiser de manière autonome en créant les républiques maritimes italiennes. Ces villes, qui se développaient au sein de différentes régions de l'ensemble de la péninsule, possédaient une forme d'administration et un gouvernement indépendants, ainsi qu'une flotte autonome qui leur permettait le commerce et la défense. L'expansion des républiques maritimes utilisa la culture du chanvre pour la production de voiles et de cordes résistantes, aptes à la navigation. La plante s'adaptait très bien : elle était résistante et pouvait être utilisée à des fins différentes. La demande de matériaux faits de chanvre pour la navigation était très importante : les républiques favorisèrent la construction de bateaux, afin de toujours avoir à leur disposition des flottes adaptées pour étendre leur domination. Dans les champs proches de ces villes, la culture de chanvre destinée à la production de fibres commença à se développer : les plaines de la zone de Caserta approvisionnaient Amalfi, les plaines de la zone du « pontino » Gaète, la zone de Ferrare approvisionnait Ancône, celle de Trévise s'occupait de Venise et enfin les champs de Carmagnole approvisionnaient Gênes.

À la fin du premier millénaire, les navires des républiques maritimes italiennes dominaient les mers connues jusqu'à présent. En 1200, beaucoup de documents évoquant « cannabarj », qui faisaient du commerce dans les principales villes d'Italie, furent produits: ce n'était rien d'autre que les cannavari, canepini, paysans et commerçants qui se consacraient à la culture du chanvre. Les musées de la navigation se répandaient à travers tout le territoire italien, même s'ils étaient souvent oubliés, ils offraient les preuves réelles de l'usage important du chanvre dans la construction d'un navire.

Souvent, le Moyen-Âge (qui s'étend de l'an mille jusqu'à la découverte de l'Amérique) était souvent considéré à tort comme étant une période de pauvreté culturelle et sociale. Nous parlons de décadence, car ce fut une époque caractérisée par des guerres continues, des invasions barbares et des maladies (la peste noire).

« Le Moyen-Âge a toujours été considéré comme étant une période de transition entre l'Antiquité et la Modernité », affirme le plus illustre expert sur le Moyen-Âge, Jacques Le Goff, qui est récemment décédé, « mais transition signifie surtout développement et progrès ».

De ce fait, le chanvre a été favorisé par cette période « d'obscurité » : étant donné que c'est une plante versatile, facile à cultiver et accessible à tous, ses caractéristiques étaient appréciées et elle fut capable de s'affirmer au sein de l'économie agricole italienne, même pendant les moments les plus difficiles. Les républiques maritimes se rendirent compte du potentiel du cannabis : elles pouvaient le cultiver sur leurs territoires, et ne prenaient donc aucun risque lié aux importations. Après la dissolution de l'Empire romain, la Méditerranée n'était plus la mare nostrum et entreprendre des voyages d'affaires était souvent risqué et pas très rentable. Cultiver la matière première pour la fabrication des navires sans devoir l'importer fut l'un des facteurs déterminants dans la croissance des puissances maritimes et, en générant du travail au sein des territoires annexés, cela favorisa le bien-être de la population locale. L'artisanat du chanvre commença réellement à prendre forme durant le Moyen-Âge et, après quelques siècles, il acquit une position mondiale de par sa qualité et la quantité de matériaux. L'Italie commença ainsi le processus qui en fit une puissance mondiale du textile de chanvre.

 

02/05/2015

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