Zamal souche emblematique terroir reunionnais

Le Zamal: une souche emblématique du terroir réunionnais.

  • La présence du Zamal à la Réunion est ancienne. Sur la petite ile isolée dans l’immensité de l’Océan Indien, la dispersion naturelle des pollens est réduite et la flore indigène a tendance à conserver durablement des caractéristiques stables. Wallis, breeder réunionnais a bien voulu répondre à quelques questions sur le mystérieux zamal.
Zamal souche emblematique terroir reunionnais

Comme les êtres humains qui peuplent l’ile, les souches historiquement présentes à la Réunion revendiquent des origines plurielles et métissées : Afrique et Asie, Chine, Madagascar. L’apellation zamal regroupe neuf souches génétiques identifiées et documentées par un collectif de breeders locaux conscient de la valeur de ce patrimoine. La souche la plus ancienne serait le Mauve Poivré ou Kalité Poiw en créole, dont les origines sont afro-malgaches. Ici, on parle de landraces pour désignenr les espèces typique du terroir insulaire : mauve, Mangue Carotte, K1, Fil Blanc et Fil Rouge. Un réunionnais les reconnais tout de suite à l’odeur de la fumée mais pour le touriste de passage, c’est moins évident.

Wallis, 35 ans, est agriculteur, marié et père des six enfants. Comme beaucoup de réunionnais de l’intérieur, il a conservé quelques terres « hérités des ancêtres et bien précieuses aujourd’hui, car tout est cher ici. Ici, le Zamal pousse presque à l’état sauvage et pourtant il se vend jusqu’à dix euros le gramme au bord des plages à surf mais on pourrait dire la même chose des avocats, des mangues, du manioc ».

Dans ce recoin perdu du fin fond de la campagne, la mauvaise piste en latérite ne va pas plus loin et pour arriver à la plantation il faut encore marcher en terrain boisé sur trois cent mètres et franchir un cours d’eau. « Dans le temps, c’était le jardin du grand-père. Il faisait toutes les plantes médicinales de chez nous : le bois de joli cœur, l’Ambaville, l’Ayapana. Mais c’était surtout le grand maître du zamal. On venait lui en acheter depuis l’autre bout de l’ile. A l’époque, seuls les vieux, les gramounes comme on dit chez nous, cultivaient le zamal. C’était le médicament traditionnel des anciens, le truc qu’ils consommaient entre eux le soir à la veillée par opposition au rhum, l’alcool des planteurs, de l’’esclavage et de l’exploitation colonialiste. Les gramounes ont venaient les voir surtout pour des conseils et on palabrait avec eux en fumant pour trouver des solutions à ses problèmes. Des fois ils chantaient, priaient. Mais ce temps-là est bien fini. Maintenant, c’est les jeunes qui prennent le zamal sans surveillance ni contrôle des anciens et parfois pour le revendre très cher aux touristes ».

De plus en plus de breeders cultivent en pots par peur des vols qui sont bien plus à craindre que les descentes de gendarmerie. « Les gendarmes, ils ne s’intéressent pas trop aux bricoleurs comme moi qui mettent une dizaine de pieds dans un recoin de savane. Il y a eu toutefois eu des grosses saisies, jusqu’à mille pieds, mais la petite culture d’autoconsommation est plus ou moins tolérée. A la campagne, le zamal, c’est un truc traditionnel, tout le monde a un vieux tonton ou un pépé rigolard avec son coin à zamal. Au village, si les gens savent que tu fumes, ils vont pas aller courir à la gendarmerie. Le zamal est souvent une monnaie d’échange contre un service ou quelque-chose dont tu as besoin : des pneus neufs pour le pick-up, un sac de riz, un coup de peinture pour ta case, tu peux les avoir facilement contre ça. A la Réunion, tout est hors de prix, alors, alors on s’arrange entre nous ; c’est comme ça depuis toujours ».

Le verger de Wallis a l’air abandonné car pendant la saison chaude, il laisse pousser la végétation annuelle afin de conserver la terre à l’ombre et au frais. Elle est est si abondante qu’il faut passer à moins de trois mètres pour déceler la présence des zamals. « Le grand-père, il a planté ces manguiers en 1932 et maintenant, ils sont immenses. Le zamal et le manguier, c’est toute une histoire d’amour, ils aiment être ensemble, se font du bien. Les pieds qui poussent-là ont un goût inimitable. L’herbe est autour de 18% de THC et ses terpènes sont fruités, sucrés, piquent les narines comme du poivre, tu les reconnaitrais entre mille. Pendant plus de vingt ans, la souche de cette Mangue Carotte utilisée par le grand-père est restée stable. Lui-même la tenait de son père, peut-être comme ça depuis le temps des sorciers africains. Et puis elle a dû recevoir un autre pollen et en deux années, c’était fini. Du coup, j’ai recommencé avec des graines du CSC 974».

La passion de la cannabiculture est vivace ici. Conscients de la valeur du patrimoine génétique et culturel qu’elle représente, les breeders locaux se sont rassemblés sous la bannière des CSC's 974 La Réunion, ont créé un collectif thérapeutique, le Breeders Bourbon. A travers leurs patientes expériences d’hybridation, ils ont peu à peu réussi à améliorer les souches originelles, souvent en les croisant avec des indica ayant fait leurs preuves comme l’OG Kush, entre autres. « Le zamal, pour le cultiver, il y avait deux problèmes. D’abord les hermaphrodites, jusqu’à un tiers sur certaines récoltes. Une vraie peste qui t’oblige à scruter les plantes chaque jour pendant deux mois en floraison. C’est pour ça qu’il y a souvent des graines dans les pochons que les touristes achètent. Ensuite le délai de floraison : long dans tous les cas, interminable parfois. Pour certains plants tu peux attendre deux ans ou plus. Ces plants-là, ils peuvent devenir immenses ; j’en ai vu qui faisaient plus de quatre mètres. Les têtes n’étaient pas énormes mais il y en avait des quantités telles qu’on n’a pas pu tout récolter. Et de toute première qualité. Une fois taillés, ils peuvent refleurir une deuxième et même une troisième fois avant de mourir. Si la plante est couchée par un cyclone, les tiges arrivent à se marcotter au contact du sol et ça couvre des dizaines de mètres carrés. Pour le reste, la culture c’est comme chez vus en métropole. A la Réunion, on utilise beaucoup les déchets issus de la culture de la canne à sucre, notamment la bagasse et la mélasse de canne qui font des engrais bio parfaits. Et avec tous les élevages de poulet, on a du guano quand on veut. Avant de planter, on creuse un trou de cinquante centimètres et on en met une bonne couche à décomposer avec de la sciure de canne et des plumes broyées. Quand les racines l’atteindront, dans six à sept mois, le plan aura commencé à fleurir».

Wallis m’entraine plus loin. Il faut traverser une portion de jungle, franchir une moraine et escalader un surplomb rocheux de trois mètres pour parvenir à une cuvette recouverte d’une savane impénétrable. « Ici, on appelle ça un cirque. Le fond reçoit beaucoup d’eau et les pentes sont plus ou moins abritées par les pitons derrière des vents cycloniques. C’est le coin des fils blancs. Celle-là, elle pousse mieux à l’état sauvage, les graines se ressèment facilement. C’est une dûre à cuire, comme le réunionnais, elle supporte la sècheresse par 40°, les tempêtes, les cyclones, les glissements de terrain et les éruptions. Elle étouffe toutes ses voisines, refait toujours surface. Je passe juste de temps en temps arracher les mâles, tailler un peu, regarder si tout va bien et récolter. Elle a quelques graines à cause des hermaphrodites mais c’est la nature qui veut ça. Par contre, elle a le petit goût de pierre à fusil des herbes sauvages et sa fumée pique les yeux comme un poivre».

«Avec les graines du CSC 974, les hermaphrodites se font beaucoup plus rares et en outdoor, on peut espérer récolter en l’espace de sept à huit mois. Ici, à la Réunion tu plantes en janvier ou février et tu récoltes souvent en août mais c’est facile aussi de cultiver toute l’année. Maintenant, on peut même trouver des graines de zamal sur Internet. Des strain hunters viennent dans l’ile nous poser tout un tas de question. Le zamal est bien plus connu dans le monde entier que notre rhum où bien notre café. Beaucoup se demandent s’il est possible de cultiver le zamal hors de la Réunion. En indoor, oui, bien sûr pourquoi pas ? En outdoor, ça doit être possible dans les régions méditerranéennes et à condition de ne pas être pressé pour la floraison. Mais, c’est un peu un défi lancé à la nature et je ne garantis pas la qualité, ni le rendement. Le zamal, il pousse dans les cirques, dans la poussière des volcans de la Réunion, il aime son sol fertile, chargé en minéraux. Le cycle solaire équatorial lui convient parfaitement. C’est un produit de terroir, il a besoin de sa niche écologique bien à lui pour s’épanouir, fleurir et fructifier».

23/09/2015

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